Malades, enceintes ou avec des enfants en bas âge… À Lyon, plus de 460 femmes en demande d’asile ont été laissées à la rue par l’État depuis 2023. Au mépris de la loi, l’administration ignore les signalements des travailleurs sociaux et les appels à l’aide répétés de ces femmes vulnérables, révèle Disclose grâce à une fuite de documents internes.
Le thermomètre affiche à peine 1 degré. Il est 14h, ce 11 décembre, lorsqu’une femme emmitouflée dans une doudoune noire, la capuche rabattue sur son bonnet en laine, s’avance en boîtant devant un supermarché de Vaulx-en-Velin (Rhône), dans la périphérie lyonnaise. Ana*, 67 ans, est d’origine angolaise. Cette restauratrice est arrivée en France, en mai 2023, après avoir fui les persécutions infligées par les autorités du pays : son établissement servait de lieu de réunion à des opposants. « J’ai été torturée par la police angolaise pendant deux jours », chuchote-t-elle en montrant sa jambe droite, gonflée, qui la fait toujours« beaucoup souffrir ». Les stigmates de son interpellation sont aussi visibles sur son front, où un pansement masque une profonde cicatrice liée aux coups qu’elle dit avoir subis.
« Tous les matins, j’appelle le 115, mais je n’arrive à obtenir une place dans un foyer d’hébergement d’urgence qu’une fois par semaine », témoigne Ana, qui vient de passer une nouvelle nuit dans la rue. Une situation aussi indigne qu’illégale : Ana est demandeuse d’asile en France. Ce statut signifie qu’elle est prise en charge par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). La loi impose à cet établissement sous tutelle du ministère de l’intérieur de proposer « les conditions matérielles d’accueil » à chaque demandeur d’asile. À savoir : le versement d’une allocation et l’obtention d’un hébergement parmi les quelque 120 000 places dans des structures gérées par des associations telles que Forum Réfugiés ou France terre d’asile. Des agents administratifs s’entretiennent avec chaque demandeur pour évaluer leurs besoins et leur degré de « vulnérabilité ». Cette évaluation doit permettre d’identifier les personnes à aider en priorité. Elle vise en particulier les mineurs, les parents isolés, les femmes enceintes, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes âgées, handicapées et atteintes de maladies graves.
Ana remplit au moins deux cases : elle est âgée et malade. Ce à quoi on peut ajouter une circonstance aggravante : c’est une femme isolée. Pourtant, depuis son arrivée dans la ville de Lyon, il y un an et huit mois, la sexagénaire dort dans la rue. Ce que l’antenne locale de l’Ofii, dirigée par Samy Boubakeur, ne peut ignorer.
Disclose a été destinataire d’un volumineux fichier numérique baptisé « signalements ». Un tableau Excel rédigé par des agents du bureau lyonnais de l’Ofii, qui dresse la liste des demandeurs d’asile inscrits dans les départements de l’Ain, l’Ardèche, la Loire et le Rhône, et en attente d’un hébergement, entre janvier 2023 et juillet 2024. D’après ce document, on compte 1 306 demandeurs d’asile toujours en attente d’un logement, dont 467 femmes isolées. Aux côtés d’informations confidentielles telles que la nationalité et le genre des demandeurs se trouve une colonne « commentaires ». Elle reprend des alertes émises par des assistant·es sociales, des membres d’associations d’aides aux migrant·es ou des riverains témoins d’un état de grande précarité. Dans le cas d’Ana, pas moins de 19 signalements ont été adressés à l’Ofii entre mai 2023 et avril 2024.
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Consultez l’article complet mis en ligne le 17 décembre 2024 sur le site Disclose.ngo